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title: "Impacts environnementaux du numérique en France"
description: "Grâce à létude de lADEME et de lARCEP de janvier 2022, quantification et analyse des impacts
environnementaux du numérique en France."
date: 2022-11-21
tags:
- impacts environnementaux
- écoconception
- numérique responsable
authors:
- Anthony Lecerf
layout: article.njk
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Le numérique est au cœur de notre quotidien et bouleverse nos modes de vie et de travail. Il a également des effets
négatifs involontaires, entre autres sur notre environnement, quil faut absolument chercher à réduire car le numérique
contribue au dépassement de plusieurs limites planétaires, cest-à-dire aux quantités dimpacts environnementaux
au-dessus desquels nous déstabiliseront les équilibres fondamentaux de la planète.
Rappelons que sur neuf limites planétaires, six ont désormais été dépassées : le changement climatique, lérosion de la
biodiversité, les perturbations globales du cycle de lazote et du phosphore, les changements d'utilisation des sols,
l'introduction de nouvelles substances (en 2022) et lutilisation de l'eau douce (en 2022).
## Principes dévaluation environnementale
Contrairement à ce que sous-entend lunivers sémantique du numérique (« cloud, dématérialisation, virtualisation...)
**les services numériques ont une matérialité bien réelle** : des équipements et des infrastructures sont nécessaires
pour
exécuter les logiciels, naviguer sur les sites web et utiliser les applications.
Cest bien cette matérialité qui engendre des impacts environnementaux. En effet, un logiciel na pas dimpacts
environnementaux à proprement parler (et ne sécoconçoit pas) alors que les éléments physiques dun service numérique en
ont.
Pour quantifier et analyser ces impacts, il est important de prendre en compte plusieurs critères environnementaux car
le numérique a bien plus deffets négatifs que les seules émissions de gaz à effet de serre. Si lanalyse nest pas
multicritère, le risque que les solutions apportées transfèrent les impacts dun critère vers un autre est réel.
Il est également essentiel davoir une approche multi-étapes et systémique et de considérer lensemble des étapes du
cycle de vie de tous les éléments physique sous-jacents à une unité fonctionnelle. On définit lobjet dune étude par la
fonction quil remplit afin de pouvoir comparer différentes solutions.
Cest là tout lintérêt de **la méthode holistique que représente lanalyse de cycle de vie (ACV)**.
[Une évaluation environnementale](https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/etude-numerique-environnement-ademe-arcep-volet02_janv2022.pdf),
basée sur la méthode ACV, pilotée par lADEME et lARCEP et publiée en janvier 2022, quantifie et analyse les impacts
environnementaux du numérique en France au travers de lunité fonctionnelle suivante :
« Utiliser les équipements et systèmes basés en France liés aux équipements et infrastructures numériques sur un an »
## Matérialité des équipements et infrastructures numériques en France
Selon cette étude, cette unité fonctionnelle couvre lutilisation de plus dun milliard déquipements utilisateurs
(terminaux) et notamment :
- plus de 120 millions de téléphones, dont 70 millions de smartphones ;
- près de 25 millions de tablettes ;
- près de 60 millions dordinateurs portables et 40 millions dordinateurs fixes ;
- environ 40 millions décrans dordinateur et 60 millions de téléviseurs ;
- plus de 20 millions dimprimantes ;
- environ 245 millions dobjets connectés.
Elle implique également des équipements réseau et des centres informatiques, entre autres :
- environ 30 millions dabonnés (et donc de box internet) à des réseaux fixes ;
- environs 95 millions dabonnés à des réseaux mobiles, dont approximativement 20 millions pour des communications entre
machines ;
- 1,5 million de serveurs ;
- 15 millions de disques durs et SSD.
**La matérialité du numérique est donc très fortement liée aux équipements des utilisateurs : il y a plus de 660
terminaux pour 1 serveur.**
Nota bene : les impacts des équipements réseaux nont pas pu se baser sur un nombre déquipements et leur durée de vie
car les opérateurs et équipementiers nont pas pu déterminer cette dernière. Linfrastructure réseau na pas été prise
en compte car des données ont aussi manquer à ce niveau. Cela fait partie des limites de cette étude.
## Principaux impacts environnementaux du numérique en France
### Impact sur le changement climatique
Il se définit comme suit : « Les gaz à effet de serre (GES) sont des composés gazeux qui absorbent le rayonnement
infrarouge émis par la surface de la Terre. L'augmentation de leur concentration dans l'atmosphère terrestre contribue
au réchauffement climatique. »
Il représente 16,9 milliards de tonnes équivalent CO₂ soit les émissions dun parc de plus de 12 millions de véhicules
parcourant plus de 12 000 km / an et émettant 112 g éq. CO₂ / km ou encore léquivalent des émissions de plus de 2
millions dhabitants du monde.
### Épuisement des ressources abiotiques éléments (minerais, métaux)
La définition de cet impact est la suivante : « L'exploitation industrielle entraîne une diminution des ressources
disponibles dont les réserves sont limitées. Cet indicateur évalue la quantité de ressources minérales et métalliques
extraites de la nature comme s'il s'agissait d'antimoine ».
Le numérique en France contribue à lépuisement des ressources abiotiques éléments à hauteur de 948 tonnes équivalent
antimoine, soit près de 19 000 milliards de tonnes de terre excavée, ou encore, selon létude, léquivalent de la
contribution de 15 millions dhabitants du monde.
### Épuisement des ressources abiotiques fossiles
« L'indicateur représente la consommation d'énergie primaire provenant de différentes sources non renouvelables
(pétrole, gaz naturel, etc.). Contrairement à ce que le nom indique, la consommation dénergie primaire issue de
luranium est également considérée. Les calculs sont basés sur le Pouvoir Calorifique Inférieur (PCI) des types
d'énergie considérés, exprimé en MJ/kg. Par exemple, 1 kg de pétrole apporteront 41,87 MJ à l'indicateur considéré. »
Le numérique en France épuise ce type de ressource à hauteur de 796 milliards de mégajoules de ressources fossiles soit
la contribution à lépuisement de ressources fossiles de 12 millions dhabitants du monde.
### Radiations ionisantes
« Les radionucléides peuvent être libérés lors de plusieurs activités humaines. Lorsque les radionucléides se
désintègrent, ils libèrent des rayonnements ionisants. L'exposition humaine aux rayonnements ionisants provoque des
dommages à l'ADN, qui à leur tour peuvent conduire à divers types de cancer et de malformations congénitales. »
Le numérique en France contribue aux radiations ionisantes à la hauteur de 98 milliards de kilobecquerel équivalent
uranium 235 soit la radioactivité générée par les besoins de 25 millions dhabitants du monde.
### Écotoxicité, eaux douces
« Ces indicateurs suivent toute la chaîne d'impact depuis l'émission d'un composant chimique jusqu'à l'impact final sur
l'homme et les écosystèmes. Cela comprend la modélisation de la distribution et du devenir dans l'environnement,
l'exposition des populations humaines et des écosystèmes, et les effets liés à la toxicité associés à l'exposition. »
La contribution du numérique en France à lécotoxicité est de 263 milliards dunités de toxicité pour des écosystèmes.
Cela correspond à lécotoxicité générée par 6 millions dhabitants du monde.
### Autres impacts
Trois impacts environnementaux, parmi bien dautres, méritent dêtre soulignés. Lacidification, les émissions de
particules fines et la création dozone photochimique sont des effets négatifs significatifs du numérique : leur
quantité est équivalente à ceux générés par un million dhabitants du monde.
Définitions : Acidification : « Lacidification de l'air est liée aux émissions d'oxydes d'azote, d'oxydes de soufre,
d'ammoniac et d'acide chlorhydrique. Ces polluants se transforment en acides en présence d'humidité, et leurs retombées
peuvent endommager les écosystèmes ainsi que les bâtiments. »Émissions de particules fines : « La présence de particules
fines de petit diamètre dans l'air - en particulier celles d'un diamètre inférieur à 10 microns - représente un problème
de santé humaine, car leur inhalation peut provoquer des problèmes respiratoires et cardiovasculaires. »Création dozone
photochimique : « L'ozone troposphérique se forme dans la basse atmosphère à partir de composés organiques volatils
(COV) et d'oxydes d'azote résultant du rayonnement solaire. L'ozone est un oxydant très puissant connu pour avoir des
effets sur la santé, car il pénètre facilement dans les voies respiratoires. »
Nota bene : « Lindicateur dépuisement de la ressource en eau \[a donné\] des résultats non cohérents du fait dune
surreprésentation de la fin de vie liée aux données utilisées. Ce point a été identifié \[par les auteurs\], mais na pas
pu être corrigé dans le temps de létude. Soyons conscient que le numérique contribue aussi fortement au stress
hydrique. [Létude iNum : impacts environnementaux du numérique en France](https://www.greenit.fr/impacts-environnementaux-du-numerique-en-france/) de [GreenIT.fr](https://www.greenit.fr/), également basé sur une méthode ACV,
concluait que le numérique en France contribuait à la tension sur leau douce à hauteur de 559 millions de m³ d'eau
douce soit 5 fois la consommation deau des Parisiens.
### Impacts du numérique en France par habitant
Limpact annuel du numérique sur le changement climatique est de 235 kg éq. CO₂ par français, soit les émissions de gaz
à effet de serre équivalentes à celles dun trajet de 2 259 km en voiture.
La production annuelle de déchets numériques est de 299 kg par habitant.
Pour répondre à ses besoins numériques un Français génère une masse de matériaux déplacée considérable de 932 kg chaque
année.
## Source des impacts du numérique en France
Par leur nombre les équipements des utilisateurs représentent 63 à 92% de ces impacts!
À part pour les indicateurs épuisement des ressources fossiles, radiations ionisantes et émissions de particules
fines, auxquels lutilisation de ces équipements, et donc la production délectricité pour les alimenter, contribue le
plus, **cest la fabrication des équipements des utilisateurs qui concentre la majorité des impacts** et ce pour deux
raisons :
- ces équipements requièrent une quantité importante de métaux et de minerais, dont lextraction demande beaucoup
dénergie motrice produite à partir de moteurs à explosion et dhydrocarbures, de ressources et dintrants
chimiques, et engendre beaucoup de déchets ;
- la fabrication des équipements et infrastructures du numérique nécessite énormément dénergie produite dans des pays
avec un mix énergétique très carbonée ainsi quune grande force motrice générée par des moteurs à explosion.
### Poids des différents équipements dans lempreinte environnementale du numérique français
Par leur nombre et leurs impacts unitaires importants, tant pour les fabriquer que pour les utiliser, les téléviseurs
représentent 11 à 30% des impacts du numérique français. Ils participent particulièrement à lépuisement des ressources
éléments.
Viennent ensuite les ordinateurs portables et fixes, les smartphones, les box TV, les consoles de jeu vidéo, les
imprimantes et les autres écrans qui par leur nombre et leurs impacts unitaires élevés expliquent 5 à 15% des impacts.
Les objets connectés, peu impactants unitairement, mais très nombreux, contribuent pour la majorité des impacts, de 3 à
6% de lempreinte environnementale du numérique en France.
### Réseau fixe VS réseau mobile
Les impacts environnementaux des réseaux mobiles sont plus importants que ceux des réseaux fixes, par quantité de
données transférées.
### Usages personnels VS usages professionnels
Les résultats de létude de lADEME et de lARCEP montrent que les usages professionnels contribuent de 37 à 48% des
impacts et les usages personnels contribuent de 42 à 63% des impacts.
## Recommandations et réponses de ITs on us
La fabrication est la principale source d'impacts pour l'environnement. Cela sexplique notamment par la quantité
importante dénergies fossiles nécessaire à leur production et à l'extraction des minerais. Lutilisation représente «
seulement » 21 % de la contribution au changement climatique en raison du mix énergétique peu carboné de la France.
Les auteurs de l'étude recommandent donc dallonger au maximum la durée de vie des équipements "à travers la durabilité
des produits, le réemploi, le reconditionnement, léconomie de la fonctionnalité ou la réparation".
Les membres du collectif ITs on us [accompagnent les organisations](https://www.itsonus.fr/nos_services/reduire_impacts_numerique/) et les aident à :
- utiliser moins déquipements numériques et à les faire durer plus longtemps grâce à la démarche Numérique Responsable.
- écoconcevoir les services numériques en les dotant de couches applicatives fonctionnant sur de vieux équipements et
- [changer de modèle économiques](https://www.itsonus.fr/nos_services/developper_modeles_durables/), quand elles appartiennent secteur du numérique, afin de sortir de la logique de volume
et corréler leurs intérêts économiques avec les intérêts socio-environnementaux.